Beau temps annoncé pour le week end, isotherme 0° à près de 4000m et envie de se sentir en week end dès vendredi soir. Will n'a jamais fait la Croix de Belledonne (le plus haut sommet 'accessible' du massif), donc l'objectif est tout trouvé.
Seul hic, avaler 1600 m de dénivelé dans la journée ... Si cela peut se faire à la montée, la descente risque d'être longue. Nous décidons donc de couper cette bavante en deux, avec une nuit à mi parcours. En été, il est possible de dormir au refuge gardé de la Pra. A cette saison, le refuge d hiver est peut etre ouvert. Mais nous ne sommes guère tentés par cette idée. Porter la tente pour n'y dormir que quelques heures ? Bof ... Par contre, le bivouac nous attire depuis un moment.
Je retrouve Will à Brignoud à 19h30. Check list, nous avons tout le matériel et, comble du luxe, une frontale chacun : sac à viande, duvet, couverture de survie, réchaud et popote (y compris les allumettes), quelques fringues, beaucoup de sachets de thé, quelques vivres (dont une tarte aux poireaux, nous y reviondrons.) Nous faisons volontairement l impasse sur le tapis de sol, et économisons ainsi qq centaines de gramme.
Nous montons en voiture à Freydieres en évitant les hérissons sur la route, en profitons pour manger un sandwich, croisons des randonneurs qui redescendent, et finalement partons de 1370 m vers 20h30 à la frontale. Une heure trente de montée plus tard, nous sommes au lac du crozet. Il ne fait pas froid, mais un petit vent se fait quand même sentir. Belle ambiance nocture au lac : obscurité, silence, et solitude. Nous trouvons finalement un lieu de bivouac légèrement au dessus du lac, étalons les couvertures de survie et les sacs de couchages.
Il est 22h30, nous nous changeons, plaçons le réchaud à portée de main, et filons vite au chaud dans les duvets.
Seuls les bras dépassent, pour préparer le thé, avaler un riz et lait, apprécier la cuvée 2006 de génep' ...
Nous eteignons les frontales, fermont les capuches des duvets, et c est parti pour ce premier bivouac. Il fait chaud dans le duvet, nous sommes au sec, nous allons bien dormir. Seul bémol, j'ai une odeur de quiche persistante à coté de moi.
Et effectivement, pour ma part je dors très bien ! Jusqu'au premier réveil ... il est alors minuit et demi ... Fausse alerte, et je redors comme un loir jusqu'à 2h30. Réveillé par un besoin naturel, il faut se faire violence pour sortir du duvet ! Ces deux fois deux heures de sommeil seront les seules phases de repos réel de la nuit. Nous nous réveillons sans cesse par la suite, parfois en ayant un peu froid, parfois avec la désagréable impression de s'étouffer dans le duvet, à force d avoir tourné en rond dans le sac à viande.
Bref, au bout de nombreux réveils et endormissements :
- Will "J'arrive plus à dormir, on se lève ?"
- Oliv "Pareil, pourquoi pas ... Il est quelle heure ?"
- Will "Bouge pas je regarde .... 5 heures !!"
De toute façon il fait froid, nous n'arrivons plus à dormir, autant se réchauffer en marchant. Et là commence une gymnastique difficile : réussir à préparer un thé, se le servir, le boire, manger du quatre qauart, s'habiller, préparer le sac, ..., le tout sans sortir du sac de couchage. En effet, sortir un bras nous refroidit immédiatement.
Une fois que tout est bouclé, dans un élan de motivation, nous sortons du duvet et battons alors le record du mettage de chaussures, roulage de duvet, pliage de couverture de survie : il fait froid, et nous voulons vite marcher ! Nous avons finalement mis une heure depuis le 'réveil'
C est donc reparti de nuit à la frontale en direction du Col de la Pra. Décidement, nous marchons beaucoup de nuit. Je redoute un peu le passage du verrou rocheux des lacs du Doménon, un grand éboulis et un cheminement entre et sur d'énormes blocs pas toujours évident. Nous nous fourvoyons effectivement quelque peu, puis après 1/4 d'heures de tergiversions, trouvons notre chemin pour déboucher aux lacs. Le jour se lève, nous éteignons les frontales et longeons les lacs. Gros coup de barre pour moi, la fatigue de la première semaine de boulot, la mauvaise nuit, le début d'hypoglycémie, .. je me démotive. Will m attend, nous mangeons une barre, et il réussit à me convaincre de poursuivre. Plus aucune trace de neige sur le fameux néve de la grande pente, nous montons donc dans un pierrier. L'écart s'allonge entre nous deux, j'ai froid et je n'ai plus la motivation pour avaler les 300 derniers mètres jusqu'à la croix. Je crie donc à Will de continuer seul et je décide de l'attendre.
Je ressorts le duvet, me trouve un rocher à peu près à l'abri du vent, et finis ma nuit assis... Une heure de mauvais sommeil, au froid (je n ai pas mis la couverture de survie) et dans une position inconfortable. J'ouvre un oeil pour saluer un randonneur qui monte ; je souris à l'idée de la vision que je lui offre : grelottant dans le duvet, assis contre un rocher, fin octobre, à 8h du mat' et 2600 m d altitude. Je n'en peux plus de cette odeur de quiche aux poireaux !!
9h30, Will ne devrait plus tarder, je replie donc le duvet et prépare le thé ... 10h il revient, bois son thé, et finalement avalons la quiche :o). Le jour s est levé, et le soleil n'est pas loin. Will est content de sa ballade, et est arrivé au sommet en même temps que le soleil.
Durant ma pause, j ai eu le temps de regarder autour de moi... et quelque chose m intrigue : à 100 m de là, en plein éboulis, une grande arche de 10m de large et 2 de haut, en dessous un trou noir. Nous décidons d aller voir de plus près. Et la surprise, alors que nous pensons être sur un éboulis, il s avere que cette arche en est glace ; sous l arche il y a une mare d'eau glacée. Nous cassons la glace, jetons quelques pierres et réalisons que c est TRES profond (au moins 6m), et qu'en plus nous aussi sommes sur de la glace au dessus de l'eau. Phénomène étonnant qui nous interesse un moment.
Puis nous redescendons 'dré dans l'pentu' dans le pierrier, et commençons à croiser les randonneurs partis le matin même de la vallée. Le soleil est levé, nous enlevons les couches de vêtements, et profitons du soleil et de la tranquillité automnale.
Une halte aux Lacs du Doménon nous permet d'apercevoir deux chamois, habituellement peu visibles dfans le coin :
Nous redescendons tranquillement vers la voiture, pour finalement y arriver vers 14h et 1600 m de D- !
En conclusion : belle rando, mais je prendrai le matelas pour le prochain bivouac, le ferai plus tot en saison, mieux abrité du vent, et dans une zone un peu moins en pente ! Je reste convaincu qu avec ces paramètres la nuit peut etre magique en montagne.